Pour créer une bonne histoire, on a tendance à penser que l’originalité est primordiale. Qu’il faut absolument éviter de faire comme les autres auteurs. C’est un piège. L’originalité est importante, mais ne se résume pas simplement à faire les choses différemment. Il faut que ces différences comptent. Pour illustrer mes propos, je vais utiliser « La Geste du sixième Royaume », un roman de fantasy écrit par Adrien Thomas.

Un cliché est un élément narratif extrêmement commun dans un genre littéraire. Il permet de créer instantanément un sentiment de familiarité, puisque le lecteur le connait déjà. Les elfes, par exemple, sont le plus souvent représentés comme un peuple ancien, gracieux et parmi les plus habiles avec la magie. Pour être original, certains auteurs modifient un cliché qui apparait dans leur histoire. Les elfes dans « La Geste du sixième Royaume » ne ressemblent pas du tout au cliché typique de Tolkien. Après une sanglante révolution qui a décimé leur population, ils ont recours à l’inceste pour préserver la pureté des différentes familles nobles. Leurs descendants sont donc affligés de nombreux défauts dus à la consanguinité: ils sont laids, stupides et leur magie est faible. En soi, cette idée est pleine de potentiel. Le poids écrasant de la dynastie, la haine et la jalousie envers leurs ancêtres ainsi que la lutte pour contribuer de manière significative à l’effort de guerre sont tous des sujets intéressants. Un auteur pourrait développer ces thèmes pour les intégrer de manière unique à son univers. Cependant, les elfes de Thomas sont traités comme des figurants, leurs conflits et leurs tourments presque complètement ignorés. Leur passé, ce qui fait d’eux un peuple unique, n’a aucune importance dans la trame narrative. Au bout du compte, ils auraient pu être remplacé par une bande de druides humains et rien n’aurait changé. Évidemment, chaque élément dans une histoire n’a pas besoin de dix chapitres d’explication. Cependant, quand tous les éléments originaux sont superficiels, l’univers est beaucoup moins marquant.

Cela va de même avec l’intrigue: un retournement original a besoin d’avoir de l’impact pour être apprécié. Tout le monde connaît le cliché du héros qui tombe du haut d’une falaise et qui est présumé mort. Au début de « la Geste du sixième Royaume », un des héros décide de surprendre son ennemie et de la tuer avant que cette dernière ne puisse devenir une menace. Comment? En la balançant par la fenêtre et déclarant : « Impossible qu’elle survive à cette chute! » Honnêtement, je me suis senti insulté. Il n’y a pas un lecteur âgé de plus de douze ans qui aurait cru que l’ennemie serait morte de cette chute. Pour être honnête, si le héros avait réussi son assassinat, j’aurais actuellement été surpris. Lorsque cette ennemie est revenue dans l’histoire, j’ai simplement pensé « Ah, la revoilà ». « Surprendre » le lecteur n’a aucun effet si la surprise n’a aucun choc
Alors pourquoi pense-t-on qu’une œuvre originale est meilleure? Parce que l’originalité permet d’explorer différents thèmes, différents conflits, différents choix, à la manière unique de l’auteur. Dans une œuvre véritablement originale, aucun élément ne peut être remplacé par une version générique sans avoir un impact important dans l’histoire. C’est facile de créer un dragon à cinq bras, mais il ne sera marquant que s’il y a une raison profonde pour cette distinction. Il faut que l’élément original soit nécessaire pour l’histoire et soit exploré à sa juste valeur pour être vraiment intéressant. Les retournements inattendus ne sont importants que si on est investi dans l’intrigue et que le choc dirige l’histoire dans une nouvelle direction.
Au bout du compte, il ne faut pas trop s’inquiéter de « l’originalité » d’une histoire. Les races, les évènements, les personnages et même parfois l’intrigue, ne sont que des outils pour exprimer les thèmes et les conflits qui dirigent la trame narrative. Un cliché exploré à fond reste plus intéressant qu’une originalité vide de sens.
Avez-vous déjà vu le potentiel d’une idée originale être complètement gaspillé? Avez-vous envie de partager pourquoi une de vos idées originales contribue à votre univers narratif? N’hésitez pas à partager dans les commentaires!